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REFLEXION SUR LA GRATITUDE A L’OCCASION DE LA FÊTE DES PROFS

La réinvention de notre système éducatif ne pourra pas se faire sans les enseignants et ils ont plus que jamais besoin de soutien dans l’évolution de leur métier afin qu’ils puissent continuer à accompagner les jeunes générations à se construire face aux nouveaux défis.

La Fête des Profs s’inspire des "Teacher’s day" qui existent dans près d’une centaine de pays à l’étranger. A l’occasion de ces événements, les élèves remercient leurs professeurs en écrivant des mots de remerciements, en organisant des spectacles, en leur apportant des fleurs... Nous souhaitons donner l’occasion à chacun en France de participer à un temps d’échange positif entre différents acteurs de la communauté éducative et de pouvoir partir sur des bases positives pour construire l’avenir de notre éducation.

Le projet se base sur la plateforme en ligne participative fetedesprofs.fr. Sur ce site tous sont invités - enfants, parents, élèves, étudiants, grand-parents...- à contribuer de différentes façons.

Cette expérience culturelle se veut ouverte et positive !

Qu’est-ce que c’est que la gratitude exactement ?

Le dictionnaire LAROUSSE la définit comme la « reconnaissance pour un service, pour un bienfait reçu ; sentiment affectueux envers un bienfaiteur » (Dictionnaire de Français Larousse, 2015). Le mot gratitude provient de la combinaison des deux mots latins gratia et gratus qui signifient pour l’un faveur et pour l’autre agréable. Tous les mots dérivant de cette racine latine renvoient aux notions de gentillesse, de générosité, de don, à la beauté de recevoir et d’offrir, ou encore de recevoir quelque chose sans rien en retour (Pruyser, 1976, P. 69). Communément, la gratitude est définie soit comme une émotion ou un trait de personnalité (voir Watkins, Woodward, Stone, et Kolts, 2003 ; Emmons, McCullough, et Tsang, 2002). Dans sa conception en tant qu’émotion, la gratitude peut être envisagée comme un sentiment subjectif d’émerveillement, de reconnaissance et d’appréciation d’un bénéfice reçu. Du point de vue du trait de personnalité, elle peut être considérée plutôt comme une prédisposition à l’expérience de l’état de gratitude.

Au cours de l’Histoire et au sein de nombreuses cultures, la gratitude a toujours été placée au centre des théories philosophiques et théologiques sur la vertu (Dumas, Johnson, et Lynch, 2002). L’expérience et l’expression de la gratitude sont considérées comme une force humaine qui améliore le bien-être personnel et relationnel et est bénéfique pour la société dans son ensemble (Harpman, 2004 ; Simmel, 1950). La gratitude permet en effet de prendre conscience que nous avons besoin les uns des autres pour exister et à ce sujet, Aristote écrivait que : « L’homme qui est incapable de vivre en communauté ou qui n’en éprouve pas le besoin parce qu’il se suffit à lui-même, ne fait pas partie de la cité et par conséquent est une brute ou un dieu ». Cependant, bien que la gratitude ait universellement intéressé depuis longtemps plusieurs disciplines, les sciences n’ont entrepris sa conceptualisation et son étude que depuis une décennie (voir Snyder et Lopez, 2007 ; Wood, Joseph, et Linley, 2007 a et b ; Emmons et McCullough, 2004 ; Emmons et Crumpler, 2000). Le courant de recherche au cœur de ces initiatives est celui de la « psychologie positive », qui fournit une base scientifique dédiée à montrer que les émotions positives contribuent à notre bien-être émotionnel et social. Une des premières séries d’études innovantes sur les effets de la gratitude est une série de trois études réalisées par Emmons et McCullough en 2003.

Dans la première étude, ces chercheurs ont comparé des sujets qui ont tenu des journaux hebdomadairement en écrivant des sentiments soit de gratitude, soit neutres, soit négatifs. Leurs résultats ont montré que seuls les sujets rapportant des sentiments de gratitude faisaient plus régulièrement d’exercice physique, se sentaient mieux dans leurs vies et étaient plus optimistes pour la semaine suivante.

Dans la seconde étude, ils ont cette fois-ci demandé aux sujets de tenir les journaux de gratitude quotidiennement et l’analyse de leurs écrits a montré que ces sujets étaient plus enthousiastes, plus concentrés et plus déterminés. Par ailleurs, des corrélations étaient mises en évidence en lien avec une meilleure prise en compte de leur santé, de leurs relations interpersonnelles et de leur réussite scolaire.

Dans la dernière étude, les chercheurs se sont cette fois intéressés aux effets neuromusculaires que pouvait produire la pratique de la gratitude et ont constaté que les sujets qui tenaient un journal de gratitude, avaient non seulement moins de douleurs musculaires, mais étaient aussi plus optimistes, plus énergiques et plus liés aux autres, et avaient moins de difficultés à dormir.

Dans la même optique, une autre équipe a souhaité prolonger ces constations et s’est intéressée au lien entre la pratique de la gratitude et la physiologie et plus particulièrement à son lien avec notre espérance de vie. Leurs travaux ont porté sur une communauté de religieuses dans le Minnesota, lesquelles en arrivant dans le couvent devaient écrire une lettre qui les présentait, puis recommençaient cet écrit à 40 ans et à 70 ans. Les chercheurs ont donc disposé de 150 ans d’archives de lettres biographiques et de dossiers médicaux. Leur analyse a mis en évidence un lien entre une augmentation de l’espérance de vie de 7 ans et la quantification dans ces lettres d’émotions positives tels que l’optimisme, l’émerveillement et la gratitude (Danner, Snowden, et Friesen, 2001). D’autres travaux ont par la suite étendu cette recherche à d’autres milieux plus courants tels que celui des ouvriers et sont arrivés aux mêmes constations.

Toutes ces études considérées ensemble suggèrent que la gratitude a une influence causale sur le bien-être et qu’une stratégie effective pour améliorer le bien-être pourrait être d’amener les personnes à diriger leur attention vers les bienfaits qu’elles ont reçus ou de réfléchir sur les aspects de leurs vies pour lesquels elles sont reconnaissantes (Froh, Sefick, et Emmons, 2008 ; Seligman, Rashid, et Parks, 2006 ; Lyubomirsky, Sheldon, et Schkade, 2005 ; Seligman, Steen, Park et Peterson, 2005). Un grand nombre de travaux soulignent en effet le lien probable entre la gratitude, le bien-être et la santé mentale. Dans cette perspective, la gratitude, envisagée comme trait de personnalité, est mise au centre des objectifs d’une psychothérapie qui œuvre à ce que les individus puissent vivre leurs vies de la manière la plus satisfaisante qui soit (voir Linley et Harrington, 2006 ; Smith, 2006 ; Park et. al., 2004). En outre, compte tenu des effets positifs constatés lors de la pratique consciente de la gratitude, des programmes spécifiques ont été développés pour la nourrir ou la cultiver dans sa vie quotidienne. Par exemple, Miller (1995) a fourni une approche cognitivo-comportementale simple en quatre étapes pour apprendre la gratitude en identifiant les pensées non-reconnaissantes ; en formulant des pensées de gratitude, en remplaçant les pensées non-reconnaissantes par des pensées de gratitude et en traduisant le sentiment intériorisé en une action extériorisée. Une autre alternative pour renforcer le sentiment de gratitude d’une personne est fournie par la thérapie Naikan, qui est une forme japonaise de méditation (Reynolds, 1981). Plus précisément, l’individu apprend à méditer quotidiennement sur trois questions liées à la gratitude : Qu’est-ce que je reçois ? Qu’est-ce que je donne ? Qu’est-ce que j’ai causé comme troubles et difficultés pour les autres ? Ce faisant, la méditation de la gratitude contribuerait à apporter des sentiments de gratitude et de la motivation pour rendre la pareille.

Dans une récente étude, un groupe de chercheurs chinois a examiné les effets combinés de la gratitude et de la qualité du sommeil sur les symptômes d’anxiété et de dépression. Ils ont constaté que les niveaux élevés de gratitude et une meilleure qualité de sommeil étaient associés à une baisse de l’anxiété et de la dépression (Ng et Wong, 2012).

D’autres chercheurs se sont demandés si c’est le niveau de gratitude qui améliore ces symptômes ou si c’est le fait que les patients dorment mieux ? La réponse à cette question a été apportée par une étude d’imagerie cérébrale par des chercheurs américains du National Institutes of Health (NIH) qui ont examiné le flux sanguin dans les différentes régions du cerveau alors que les sujets exprimaient des sentiments de gratitude (Zahn et al., 2009). Ils ont constaté que les sujets qui ont exprimé plus de gratitude présentaient une augmentation d’activation dans la région de l’hypothalamus, qui est une région cérébrale qui contrôle un grand éventail de fonctions essentielles de notre corps, comme le fait de manger, de boire ou encore de dormir. Par ailleurs, cette région cérébrale est également connue pour avoir une influence sur la régulation de notre métabolisme et de nos niveaux de stress. En outre, la sensation de gratitude a également été associée à une augmentation de l’activation des régions cérébrales dopaminergiques. Ce neurotransmetteur qu’est la dopamine est communément associé à la notion de « récompense ». Cela signifie qu’une action qui induit une augmentation de la sécrétion de la dopamine, aura pour effet de nous conduire à vouloir le reproduire afin de ressentir à nouveau la « récompense ». La gratitude peut donc avoir un impact puissant sur notre vie, parce qu’elle engage notre cerveau dans un cercle vertueux. En effet, notre cerveau peut difficilement traiter deux stimuli positifs et négatifs en même temps. Afin d’augmenter notre capacité à éprouver de la gratitude, il faut de la pratique. Robert Emmons explique que la gratitude « aide une personne à diriger son attention vers les choses heureuses de sa vie et à la détourner de ce qui lui manque » (Emmons, 2007).

Toutefois, la gratitude n’anéantit pas nos émotions négatives, elle nous incite plutôt à développer des émotions positives en nous concentrant sur nos chances et pour certains chercheurs qui l’associent à la capacité de résilience, elle serait un véritable facteur de protection contre l’épuisement professionnel (Peterson et Seligman, 2004).

REFERENCES

Aristote. (1999). Les Politiques (Trad. P. Pellegrin). Paris, France : GF Flammarion.
Danner, D.D., D. Snowden, and W. V. Friesen. (2001). “Positive Emotions in Early Life and Longevity : Findings From the Nun Study.” Journal of Personality and Social Psychology, 80, 804-813.

Définitions  : Gratitude. (s.d.). Dans Dictionnaire de Français Larousse en ligne. Repéré à http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/gratitude/37977, accessed June 10, 2015.

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